CHAT'LUT, CHAT VA?

En rentrant à Chantilly, Ayden pensait réellement qu’il pourrait mener une existence paisible, loin de  l’odeur de la poudre et des bruits d’explosions. Même les génies pouvaient se tromper. Mère-Grand ne passa pas à côté de l’opportunité d’avoir un soldat d’élite sous la main. Alors le pauvre roux qui s’était dit qu’il ne toucherait pas à une arme à feu de sitôt, c’était raté!

C’est ainsi qu’il se retrouva sur le toit d’un petit immeuble de quelques étages, en train d’observer une sombre ruelle à travers la lunette d’un AWSM (Arctic Warfare Super Magnum). Un fusil de précision quoi. Au moins, il n’était pas là pour abattre des cibles mais plutôt pour les neutraliser. Qui sait dans quel genre d’affaire la mamie était en train de traîner, mais elle donna l’ordre à Blood d’immobiliser quelques individus qui allaient effectuer un échange à cet endroit.

Une voiture arriva alors. Puis une deuxième. Et une dizaine d’hommes vêtus de vestes assez classes émergèrent des véhicules, formant deux groupes distincts qui se firent face. Là, deux mecs qui paraissaient un peu mieux habillés que les deux sortirent du lot pour s’échanger une mallette en métal. Ou pas.

Le roux lança une grenade fumigène dans l’allée, amenant un vent de panique au sein des hommes en bas. Hop, tout plein de secondes pour tirer une bonne dizaine de fois. Que dans les jambes. Au silencieux; il ne faudrait pas alerter le voisinage tout de même. Et quelques secondes d’attente le temps que la fumée se dissipe. Ce qui nous donne une scène assez glauque : des mecs sur le sol se lamentant de douleur, baignant dans leur propre sang. Une fois la zone sécurisée, il enfila une cagoule puis descendit en rappel dans la ruelle. Un bon soldat était toujours équipé comme il faut. Ce genre de mission, Ayden appelait ça « la routine ».

Avec une indifférence totale, il avança au milieu des blessés, s’abaissa pour récupérer la mallette et s’empressa de quitter la zone en tournant dans une ruelle voisine.

« Meoow »

Un miaulement? Ou ça? Il y avait un chat quelque part? Ça venait de ce côté! Argh, il fallait qu’il le trouve!! Oui, Ayden adorait les chats…et les félins en général. Il tourna dans une autre ruelle (c’est qu’il y en avait plein dans ce coin dis-donc!) et tomba nez-à-nez avec…un chat oui. Un chat noir.

« Psss…petit petit ! Par-iciii! »

Le matou tourna sa tête dans sa direction. Par tous les démons, il avait des yeux de différentes couleurs! Waaa c’était trop beaaauuu! Allez vient iciii! Il ne fallait pas lui faire peur. Alors le jeune homme se mit à s’approcher tout doucement de lui, sans remarquer que /PAF/

Il venait de cogner quelque chose. Ou plutôt quelqu’un. Tête contre tête. Aïe.

CHAT’ DOIT FAIRE MAL…

« AÏEUH. »

Ayden n’aurait pas dit mieux. Il se tint le front de douleur mais ne prononça pas le moindre cri de douleur. Bon ça va, il avait connu pire quoi. Ce n’était pas un petit coup de boule qui allait lui arracher un hurlement d’agonissant. Il se demanda quand même avec quel genre d’energumène ce genre de situation bizarre pouvait arriver. Parce que oui, se cogner la tête avec quelqu’un, quand on était soit même en train de ramper quasiment, ce n’était pas habituel. Cela voudrait dire que cette autre personne rampait aussi. Et ça, c’était vraiment louche!

Bon, à en juger par le ton de ce « cri », il s’agissait d’une fille. Il redressa la tête afin de jeter un coup d’œil à cette inconnue à la tête dure. Bon, déjà elle devrait changer de coiffeur parce qu’en matière de teinture, y’avais mieux. Remarque, elle avait la peau un peu trop blanche et des yeux étranges, tout ceci n’était pas très naturel. Tiens donc, ce n’était pas déjà passé Halloween? Il fallait reconnaitre que ses faux points de sutures, c’était vachement bien fait. Peut-être même trop réaliste, car on voyait vraiment les fils rouges passer sous sa peau et…en fait ce sont des vrais quoi! Ok, Ayden était tombé sur un sacré phénomène ce soir. C’était cool, ça lui changeait des gorilles en costumes cravates qu’il avait l’habitude de défoncer.

« Ahem... Pardon je regardais pas où j'allais. »

Lui aussi, qu’elle se rassure. Plutôt poli la jeune fille, contrairement à ce que sa tenue laissait paraître. Ouais, pendant ce temps le chat n’avait pas arrêté de miauler. Il avait peur le pauvre, avec ces deux géants aux cheveux étranges qui jouaient à se cogner la tête dans une ruelle sombre. Pauvre petit bout de chou, il fallait le mettre en confiant et surtout ne pas tenter de le…

…caresser. Trop tard, l’inconnue avait essayé. Un chat qui a peur est un chat dangereux mademoiselle. Et un coup de griffe, un! Celui-là tu l’as cherché, tu ne l’as pas volé! Oui, parfois les pensées d’Ayden étaient un peu méchantes! Juste un peu. Parce que là, ça devenait moins drôle. Surtout quand le chat se mit à s’accrocher à l’un des points de sutures de la jeune fille. Enfer, ça devait faire mal! Puis la scène prit une tournure assez ridicule, avec l’inconnue qui se mit à danser et à tourner sur elle-même, avec un chat accroché à son bras! S’il ne se retenait pas, le roux éclaterait de rire. Mais comme d’habitude, il fixa la scène sans rien dire, avec le regard «limite je m’emmerde et j’en ai rien à foutre».
Il tendit le bras et saisit délicatement le chat par la nuque, avant de le déposer au sol et de lui caresser doucement la tête. Le félin se laissa faire puis se mit à ronronner de plaisir.

« Chuuuuuu, ça va aller, calme-toi, la vilaine zombie ne te fera plus rien. Et si elle ose, on la tue, ok? » dit-il alors en sortant un petit revolver qu’il pointa en direction de l’autre personne.

/Click/ Il appuya sur la gâchette mais rien ne se produisit. Il leva la tête vers la jeune fille et se mit à la fixer de son air impassible, rangea son arme et poursuivit.

« C’est une blague. Il avait juste un peu peur, mais maintenant ça devrait aller si tu veux le caresser. »

MEOWW?

Quand on a la sale manie de dire toute la vérité et rien que la vérité, il n’était pas étonnant de constater que la première impression qu’on avait d’Ayden était toujours très mauvaise. «Zombie», non mais sérieusement il aurait mieux fait de se la fermer. Parce qu’apparemment, la jeune fille l’avait pris assez…mal.

« Hé, je l'ai pas demandé ce visage. Je t'ai traité de terroriste moi? »

Montrant le roux du doigt, l’inconnue le fixait avec un regard à transformer votre sang en gelée aux fruits. Enfin, n’exagérons pas. Elle essayait de le faire peur mais c’était un peu raté. Mais le message était très clair : «Moi être vexée, pas contente du tout!!». Ok ok, alors selon les usages, il devait s’excuser, non? Le problème c’est que le jeune homme avait beau s’excuser à chaque fois qu’il disait une vacherie, son visage en mode « Jenairienàfoutredetagueule » lui enlevait toute crédibilité.

Et puis pourquoi s’excuser? Elle ne l’avait pas traité de terroriste certes, mais le fait de le dire de cette façon révélait en fait qu’elle l’avait pensé! Ah-ha!! Grillée ma grande! Enfin peu importe, de toutes les façons, les gens pensent toujours mal des autres. La seule différence, c’est qu’Ayden ne pouvait pas s’empêcher de penser à haute voix. Bref, il ne servait pas à grand-chose de rester dans cet endroit lugubre. Puis elle ne semblait plus tellement jouer avec le chat. Alors il empoigna l’animal et le plaça sur le haut de son crâne.

« Un flingue, une ruelle sombre et une odeur de poudre. T'es qui? … Non, pas tant que ça. »

Ah, la conversation n’était pas finie? Puis qu’est-ce que c’était que cette fin de phrase? Pas tant que ça quoi?

« Non mais où as-tu apprit le français? Désolé mais lorsque l’on écrit une phrase, on ne peut pas mettre les mots et les expressions comme bon nous sembles. »

Et hop, clash! Encore une fois, il avait laissé passer une occasion de se taire. C’est dur d’avoir le cerveau plus rapide que sa bouche hein? Parce qu’en analysant un peu plus, elle devait juste avoir pensé tout haut. Un peu comme lui en fait. Et ce n’était pas prêt de s’arrêter, croyez-moi.

« Et puis je pense que si tu désires savoir qui je suis, le plus poli serait de te présenter d’abord. Un zombie, une ruelle sombre et une odeur de…fille? T’es qui? Tu joues dans Resident Evil? »

Pu-pu-pu-punchliiine!!

Ou pas.

PAS MEOWW?

« C'est pas à toi que je parlais. »

Ça va, il avait compris. Sauf que sa bouche dégainait plus vite que son ombre, voilà tout. Maintenant elle le regardait comme si il était un abruti fini. Pas la peine de prendre cette expression blasée jeune fille, il fallait qu’elle comprenne rapidement qu’Ayden n’était pas du genre à mâcher ses mots.

« Je ne pouvais pas savoir que ce genre de trucs t'intéressait. Sinon, tu l'aurais dit directement non? »

À vrai dire, l’identité de la jeune fille ne l’intéressait absolument pas. C’est juste qu’il n’aimait pas vraiment se dévoiler, encore moins si la personne en face ne daignait pas se présenter d’abord. C’était un peu le mauvais côté du rouquin, celui de ne jamais faire le premier pas. Et puis, un bon agent secret se devait de cacher son identité tout en découvrant celle des autres. D’où l’utilisation de cet art subtil qu’était de répondre à une question par une autre question. Sauf que malgré sa tête plutôt étrange, l’inconnue n’avait pas l’air si conne.

« Pour en revenir à ta question, on peut dire que je suis une fille comme les autres qui s'est légèrement laissée distraire par un chat comme les autres dans une rue comme les autres. »

Ouais, elle maitrisait aussi l’art de contourner une question. Enfin presque. Car ça puait plutôt le gros mensonge. Pas besoin d’avoir fait des études pour savoir que les jeunes filles comme les autres n’avaient pas un look aussi…spécial. Et puis cette manière de tutoyer les gens sans les connaitre, les jeunes filles bien élevées ne faisaient pas ça. Ok, il ne pouvait rien dire vu qu’il le faisait lui aussi. Mais Ayden n’était pas un mec comme les autres et il l’assumait parfaitement, lui! Alors pour ce qui est de la rue comme les autres…le trafic de drogue c’est courant dans toutes les rues déjà? Et pour finir, ce chat n’avait rien d’un chat comme les autres. À moins que ce soit la nouvelle mode d’avoir des yeux de couleurs différentes chez les félins…nan! Mademoiselle, ou madame qui sait, tu n’es pas une jeune fille comme les autres, oh ça non!

« Et toi? T'es un terroriste ou un SDF? »

Parce qu’une jeune fille comme les autres ne poserait pas une question de ce genre. D’ailleurs, cela en disait long. Bon, il ne comprenait pas pourquoi elle voyait un SDF en lui. Il était si mal habillé que ça? Ou c’est parce qu’il trainait dans les rues pas très fréquentées? Ou alors c’est cet étui pour guitare qu’il trimballait sur son dos qui le faisait ressembler à ces chanteurs de rues?

Par contre, le fait qu’elle voit un terroriste était assez inhabituel. D’habitude quand on voit quelqu’un avec une arme à feu, on se dit qu’il est un gangster, un flic ou un truc classique. Quoique…c’est vrai qu’il y avait de plus en plus de terroristes en ce moment. Mais là n’était pas question. Elle parlait d’odeur de poudre, c’était une chienne ou quoi? Et comment elle connaissait cette odeur?

« Le fait que tu m’assimiles à un terroriste et que tu connaisses l’odeur de la poudre m’indique que tu es plutôt familière avec ce genre de milieu. N’est-ce pas plutôt moi qui devrait te demander si tu n’en es pas une? »

Avec le petit sourire au coin en bonus. Wep, d’après ce qu’il avait lu dans les fichiers de MG, il y avait pas mal de personnes louches dans cette ville. Et pour la plupart, elles étaient affiliées à l’Agence ou l’Organisation. Ayden parierait son Uzi que cette inconnue était une agente secrète. Tout en continuant à jouer avec le chaton, il pointa son dos avec son pouce, désignant le gros étui à guitare noir.

« Comme tu peux le voir, je suis musicien. Bien qu’il m’arrive de me servir de mon arme pour me faire de l’argent, voilà tout. »

Hop, ce n’était pas un mensonge. Après tout, il était vraiment chanteur et musicien. Et il gagnait bien de l’argent en tant qu’agent, en se servant d’arme à feu. Si on ne pouvait pas mentir, rien n’interdisait de dire les choses mais d’une façon différente.

ET MEOW-RDE!

« …Une guitare? »

Ça ressemblait à un piano peut-être? Surtout qu’elle semblait très sérieuse en posant cette question. Évidemment qu’il s’agissait d’une guitare, enfin…d’un étui de guitare pour être précis. Car ce qui se cachait à l’intérieur n’avait pas vraiment pas grand-chose à voir un instrument de musique. Puis le regard de l’inconnue se mit à changer. Le sérieux laissa place à quelque chose qui ressemblait aux regards que faisaient les gamins dans un magasin de jouets. Ok, c’était juste une guitare hein! Pourquoi le fixer comme s’il s’agissait d’un objet collector?

« Je peux la voir? »

Aïe. Pourquoi toutes les filles étaient aussi curieuses? Cette situation lui rappela toutes les nombreuses fois où sa petite sœur n’arrêtait pas de le harceler pour de simples choses sans importance. Mais là, hors de question que la jeune fille puisse voir son « instrument » de travail. En plus, c’est qu’elle n’était pas polie celle-là.

« … S'il te plaîîîîîît? »

Mouais, à peine dans les temps. Mais surtout, qu’est-ce qu’elle était chiante! Non, ça ne lui plait pas, tu ne verras pas sa guitare! En tout cas, c’est ce qu’il avait envie de lui crier en face. Mais ce serait juste méchant et absolument injustifié de refuser comme ça. Mais pourquoi tant d’intérêts pour ça? Elle ne peut pas s’intéresser au fait qu’il gagne de l’argent avec une arme à feu? C’est plus fun comme infos ça, demande lui à voir son Desert Eagle, ça au moins elle avait déjà vu. Alors que le fusil de précision, oups, la guitare…

« J’y tiens à cet objet, personne n’a le droit de le toucher. De plus, il s’agit de mon outil de travail, je ne le montre que lorsque je travaille justement. Enfin, je ne te connais. Pas même ton nom, pourquoi je te ferais cette faveur? »

Bam, dans ta gu-hum- bien fait pour toi voulait-il dire. Bon maintenant s’éclipser comme si de rien était. Avec le chat toujours sur sa tête, il fit mine de partir. Si la jeune fille voulait bien lui donner un peu d’espace pour passer. C’est qu’une ruelle, c’était assez serrée.

CHAT SENT PAS BON…

La jeune fille, toujours en position accroupie, se mit à le fixer en silence. Mais en silence qui en disait long. Ok, Ayden n’était pas un bon menteur. Ce qui était assez handicapant pour un agent secret certes. Mais il était plus un mec de terrain, payé pour nettoyer les « ordures», pas pour discuter avec. Alors il n’était pas bien difficile de le percer à jour lorsqu’on lui parlait.

« J'ai pas dis que je voulais l'essayer, à part si tu y tiens mais tu n'en as pas l'air. Même pas pour voir le modèle? À moins que… »

À moins que quoi? Et elle n’arrêtait pas de le suivre de regard en plus. Bon ben, il s’était fait…

« …Ça ne soit pas une guitare? »

…griller. Pour vivre heureux, vivons caché. Et il aurait mieux fait de le faire, c’est-à-dire se tirer quand il avait encore l’occasion. Mais non, impossible de résister à l’appel des chats. Que faire? Elle ne semblait pas vouloir l’empêcher de passer. Mais il ne fallait pas se fier aux apparences. Si elle avait posé la question, c’est qu’elle ne le laisserait sûrement pas filer avant d’avoir entendu une réponse valable. Mais serait-elle prête à aller jusqu’à la confrontation pour ça?

« Écoutes, je te le redis, je ne te connais pas. Ton nom, d’où tu viens, je ne vais pas me dévoiler à une inconnue non plus. J’ai encore du travail en plus, alors si tu permets. »

finit-il en demandant à la jeune fille, d’un geste courtois, de s’écarter du chemin.

J’AI PLUS D’IDÉES DE TITRE…

« Les gens m'appellent Willow si tu tiens vraiment à le savoir. D'où je viens? J'en sais rien. Ça te va? »

Les gens l’appelaient Willow? Ok mais comment ses parents t’appelaient? C’est ce qui l’intéressait lui m’enfin! Et comment ça elle ne savait pas d’où elle venait? Orpheline? Enfant abandonnée? Amnésique? Aahhhh Ayden voulait savoir, sa curiosité naturelle d’agent (et de mec dont le QI dépassait les 200!) était en train de prendre le dessus. Enfin, presque. Car il se rappela alors qu’il avait des choses un peu plus importantes à faire comme…éviter de se faire démasquer par une zombie des ruelles (C’est méchant en effet :p).

« Je peux la voir maintenant? »

La dénommée Willow avait vraiment du mal à lâcher le morceau. Mais qu’importe. Elle lui avait donné des éléments qui lui permettraient de contourner une fois de plus la question. Ayden lâcha un long soupir tout en passant une main à travers ses longues mèches rouges. Puis il se tourna vers son interlocutrice, une main sur le menton, la fixant alors d’un regard curieux.

« Moi c'est Eden. Mais je curieux,  comment se fait-il que tu ne saches pas d’où tu viennes? »

Yes, la question à 1 M de dollars! Enfin, c’était un peu naïf d’espérer qu’elle oublie aussi facilement la guitare mais tous ce qu’il voulait c’était détourner quelques secondes son attention. Ah oui, il avait dit Eden. Le faux prénom qu'il utilisait à Chantilly. Comme il s'agit de sa ville natale, il ne fallait pas qu'on puisse le reconnaître hein. Bref,  pendant qu’elle réfléchissait à la réponse à cette question, il fouilla discrètement dans ses poches avant de laissa tomber quelques billes métalliques de couleur noires au sol. /Pssshhhhh Hop de la fumée bien blanche.

Profitant de la surprise, il sauta sur le côté afin d’utiliser le mur comme d’un appui, puis il sauta par-dessus la tête de Willow afin de se retrouver derrière elle. Allez, il était temps de s’éclipser. Ou pas. Quelque chose lui disait qu’elle ne le laisserait pas filer aussi facilement.

HEAD 2 HEAD

Que se passe-t-il lorsqu’on le met une merde devant une mouche à merde? Voilà, exactement. Pardonnez l’expression, pas que Ayden soit une merde et Willow une mouche, non! Par contre, la jeune fille agissait comme une drosophile, à ne jamais lâcher le beau caca qu’elle a choisi. Ok, arrêtons les histoires de fèces. Tout ça pour dire qu’elle ne laissa pas filer le roux. L’imitant telle une guenon (oui, c’est méchant! :p), elle ne se laissa pas berner par le nuage de fumée blanche et sauta sur l’un des murs afin de suivre le mouvement du jeune homme.

Même si son visage ne le disait pas vraiment, le rouquin fut à moitié surpris lorsque Willow atterrit juste en face de lui. À moitié car quelqu’un avec une apparence aussi peu conventionnelle cachait forcément quelque chose. Sans vouloir faire de stéréotypes. Elle se mit à le fixer, et cette fois-ci avec un air pas très enchanté.

« Alors t'es quoi? Ne me sors pas que t'es un gymnaste professionnel, je te croirais pas. T'es quoi? Un agent secret? »

Il ne valait mieux qu’il réponde à la question. Allez, on se retient au maximum et on évite de balancer un «Oui» qui gâcherait un peu toute cette mise en scène. N’empêche, la gamine était plutôt perspicace. Un peu trop même. La règle était simple dans ce milieu : si tu es démasqué, tu élimines les témoins. D’un geste très vif, il fit un pas en arrière, dégaina à nouveau son Desert Eagle noir avant de le pointer sur son interlocutrice.
Son cerveau était souvent plus lent que sa bouche. Mais lorsqu’il s’agissait du reste de son corps, son intelligence était bien souvent plus vive. Ce qui fit qu’il n’appuya pas immédiatement sur la gâchette. Il venait d’avoir une petite pensée logique qui lui dit que si elle était capable de reproduire le même mouvement que lui, tout en tirant une conclusion sur sa nature d’agent, alors…

« Je pourrais en dire autant de toi. Je ne crois pas non plus que tu sois gymnaste. Agent secret hein? Et qu’en est-il de toi? MG? GML? »

Ce n’était plus tellement la peine de se cacher en fait. Il était grillé. Mais s’il devait s’assurer que cette inconnue (qui n’en était plus tellement une) ne soit pas un agent de l’ennemi. Si tel était le cas, il lui faudra prendre quelques mesures drastiques.

JE TE TIENS, TU ME TIENS PAR LA BARBICHAT…EUH CHETTE!

Willow prenait son temps pour réfléchir.  Ce qui la rendait encore plus suspecte. C’était bien la peine de se cacher, elle était déjà grillée. Alors à quoi pouvait-elle encore bien penser? La réponse était simple non? «Oui, je suis une agente de XX» Il fallait assumer. Si elle est de chez GML, ce serait une balle dans son front. Si elle est de chez MG... une balle dans sa jambe? *rires intérieurs*

« J'en déduirai qu'on fait partie de la même agence mais je n'en suis pas sûre. Hmm… »

Comment pouvait-elle en être si sûre? Il n’avait rien en commun. À part ce mouvement contre le mur mais c’était une manœuvre d’esquive basique que l’on enseigne dans de nombreux arts martiaux. Ayden la soupçonnait plus d’être une agente du loup. L’Organisation était du genre à abriter des phénomènes de foires, des monstres, des créatures difformes, bref avec sa face de zombie elle correspondait bien à la description.

« Si je te demandais le pseudo de l'agent qui est repartie d'une mission d'infiltration avec une luxation… Tu me dis quoi? »

Qu’est-ce qu’il en savait? Cela faisait à peine une journée qu’il était arrivé à Chantilly. Oui, MG n’avait eu aucune pitié pour son petit-fils. À peine arrivée, direct sur le terrain. Pas le temps de s’installer dans sa nouvelle maison. Vieille *****! Hum-hum.

Il leva un sourcil, fixant toujours la jeune fille de son regard impassible. D’un geste rapide, il posa sa main sur la partie supérieure de son arme et la tira en arrière. On entendit alors le bruit caractéristique d’une arme qui était chargée. Non, le roux n’était pas là pour plaisanter.

« Je n’en sais rien, j’ai débarqué à Chantilly hier.  Et je ne suis pas là pour jouer aux devinettes. Si tu es un agent, identifies-toi et prie pour que je ne sois pas ton ennemi. »

Oui, c’était un peu méchant dit comme ça. Ayden n’était pas méchant. Mais lorsqu’il s’agissait de son travail, ou de sa sœur, il était intraitable. Suffisamment cruel pour torturer son ennemi, fille ou pas. Ignorant les capacités de la jeune fille, il recula prudemment de quelques pas de sortes de se mettre hors de portée d’un coup direct mais suffisamment près pour ne pas rater son tir.

CHAT’CRÉ PERSONNAGE ~

Qu’allait-elle faire? Elle ne semblait pas être armée, et quand bien même elle le serait, elle ne sera jamais suffisamment rapide pour esquiver des balles d’aussi prêt. En tant qu’agent, le roux n’était pas du genre à plaisanter. The Red Devil. L’un de ses nombreux surnoms. Sans doute le plus évocateur sur son style de combat. Un démon. Un vrai.

« J'ai à prier personne je ne crois pas en Dieu ♪ »

Ayden non plus. Les gens qui croyaient en une quelconque force supérieure avaient tendance à ne pas craindre la mort. Mais qu’en était-il des non-croyants? En toute logique ne devraient-ils pas justement craindre la mort et l’éviter, car tout ce qui compte pour eux se trouve ici-bas? Pourtant Willow ne semblait pas trembler de peur devant une mort imminente pointée sur elle. De la confiance en soi? Ou de la folie? Ou alors les deux.

« Tu sais, tes cheveux me rappellent quelqu'un. »

« Hein?» C’était bien le moment de penser à ça? Un mec lui pointe un gun sur la tête et la jeune fille lui dit que sa couleur de cheveux lui était familière, normal quoi! On s’en foutait un peu non? Ou pas. Ayden était un génie, rappelons-le. Si personne n’aurait pas le lien immédiatement, les neurones du roux en constante suractivité se mirent à vibrer dans son crâne. Sa couleur de cheveux, il n’y en avait pas trois pareilles. Oh ça non. Il en était certain. Deux par contre, oui. Sa sœur. Poussons la réflexion un peu plus. Si elle a déjà vu cette teinte, alors elle aurait déjà rencontré Aliya. Qui est une agente de MG. Analogie : Willow serait une agente de MG? Et si c’était une agente de GML mais qui aurait déjà rencontré sa sœur lors d’un affrontement? Il était trop tôt pour conclure, il lui fallait plus d’infos.

« Tu as débarqué hier et tu commences déjà à foutre le bordel avec ta "guitare"? Guitare qui n'en est sûrement pas une. Je me trompe? »

Mais elle était schizophrène ou quoi? Elle était en train de partir sur un sujet intéressant et la voilà qui redeviens de nouveau provocante. Ok, Ayden était bizarre. Mais il était en train de se rendre compte qu’il y avait bien plus bizarre que lui à Chantilly. Pour ce qui est de son flair, rien à redire, elle en avait. Au sens propre comme au sens figuré. Mais à présent, il n’en avait pas vraiment grand-chose à foutre de la guitare. Une petite question lui trottinait dans la tête et il ne lâcherait plus la jeune fille s’il n’obtenait pas de réponses.

Demeurant toujours aussi impassible, malgré les tentatives d’en face pour le déstabiliser, il prit de nouveau la parole, le canon toujours pointé sur la tête blanche.

« Au diable la guitare. Dans quelles circonstances as-tu rencontré l’Agent Red? »

Il abaissa son arme et tira une balle qui vient se loger entre les deux pieds de Willow, laissant un petit trou rond dans le bitume. Le tir n’émit qu’un léger sifflement, merci au long silencieux qui prolongeait le canon de l’arme à feu. Après ce shot d’avertissement, il releva à nouveau le Desert Eagle pour le diriger une fois de plus sur l’agent « ennemie ».

« Et cette fois, je veux une réponse claire. »

Lorsqu’il s’agissait de sa sœur, le gentil et calme Ayden pouvait devenir un vrai monstre. Et tout le monde le sait bien :

NEVER FUCK WITH A MONSTER, NEVER è.é

ON ARRÊTE LES CHAT’RADES ET LES DEVINETTES!

« C'est pas marrant les réponses claires. »

À cet instant précis, Ayden fut à deux doigts d’appuyer sur la gâchette. Cette gamine avait le don de mettre les gens hors d’eux. Heureusement que le roux était doté d’un formidable self-control. Remarque, pour une fois sa réponse avait le mérite d’être claire. Ironie.

« A vrai dire j'en sais plus trop rien. »

C’était officiel, Willow se foutait royalement de sa gueule. Comment ça elle n’en savait rien? Si ça trouve, c’était vraiment une zombie avec le cerveau rongé par les vers, d’où la mémoire défaillante! Oulà, on s’égare! Elle pouvait tout simplement être bourrée à ce moment-là, elle avait l’air d’être le genre à faire la fête (c’est pas beau de juger sur l’apparence, on sait! ;) ).
« Je sais que y'avait l'autre Blue aussi. Enfin Nora. Mais bon, je déduis que si tu es autant attaché à Red c'est que tu travailles pour l'autre vieille non? »

Remarque pertinente mais absolument non fondée. Explications pour plus tard. Ayden resta bloqué sur le nom « Blue ». Comme il le savait si bien, les noms de codes des agents de MG étaient des noms de couleurs. Elle aurait donc rencontré Red, ainsi que l’agent Blue. Mais cela ne lui disait pas si elle était une agente de MG ou de GML. Avait-elle rencontré Red en tant que collègue ou ennemie? Ce qui rejoins donc ce que nous disions plus haut, le fait que le roux fasse une fixation sur Red n’indique pas qu’il soit un agent de la vieille.

« Qui a dit qu’il s’agissait d’un attachement ? Mon intérêt pour Red pourrait être logique si j’étais un agent de MG, mais le serait tout autant si elle était mon ennemie. Cela ne prouve rien. »

Le jeune homme appuya trois fois de suite sur la gâchette, libérant trois projectiles métalliques qui vinrent frôler des mèches blanches, à gauche, à droite et au-dessus du crâne de la jeune fille. Pas de blessures, rassurez-vous. Juste quelques poils blancs tombant au sol. Et une sacré frayeur, si elle était encore une personne normale bien entendu. Bref, les avertissements se rapprochaient dangereusement de la tête de Willow.

« Quel est ton lien avec Red et Blue? Ce sera ma dernière question. »

CHAT’ CHAUFFE

« Avant ça, c'est toi qui va me répondre. »

Mauvaise réponse. Ayden n’était pas vraiment du genre à plaisanter. Ce que la jeune fille ne semblait pas en mesure de saisir. De manière inconsciente, elle s’avance encore plus, s’exposant à un tir à bout portant dans la tronche. Comme nous le disions si bien, il était difficile de savoir si elle faisait bien la différence entre le courage et la stupidité.

« T'aurais fait quoi si la balle qui vient de passer au-dessus de ma tête aurait touché un passant derrière? T'appelle ça de la discrétion? Et puis quand je serai morte tu feras quoi? Tu vas me ramener à ton boss pour qu'il admire le massacre? Et si j'suis dans la même agence que toi, hein? Tu vas expliquer quoi? »

Elle s’inquiétait pour des détails aussi futiles? Apprenez très chère que l’Agent Blood était un pro, un vrai. Et lorsqu’un pro tire, il regarde évidemment où ses balles vont se loger. Et pour le coup, il faisait très sombre. Peu de gens dans les allées voisines. Pas d’établissements commerciaux en face, juste un petit panneau de signalisation qui s’était pris les trois projectiles. Alors oui, question discrétion il faisait ce qu’il fallait. Mais le roux avait la flemme de s’expliquer, dans quel intérêt? Était-ce le problème de la gamine s’il tuait des gens au passage? Trop gentille? Ce qui ne l’aidait toujours pas à deviner où elle travaillait. Car oui, même chez GML ça existait la gentillesse apparemment.

Pour ce qui est du reste, il n’a jamais dit qu’il la tuerait si elle ne répondait point. Enfin si, il avait effectivement pensé qu’il fallait éliminer les témoins. Mais il y avait tellement de façon de les «éliminer» en fait. Elle avait raison, hors de question de la supprimer sans avoir plus d’informations sur elle. Par contre, s’il la tuait, pourquoi s’embêter à montrer le cadavre à la vieille? Un simple rapport en 3 exemplaires, ça suffisait.

« Tu sais quoi? Tu me fais perdre mon temps. Sérieusement. »

Tiens donc? N’est-ce pas ce qu’elle était en train de faire depuis le début, faire perdre son temps à Ayden? C’est l’hôpital qui se fout de…oui bref vous connaissez! Elle lui tourna alors le dos et plaça une paire d’écouteurs sur ses oreilles. Tourner le dos à un mec qui te pointait une arme, autant dire carrément «Tire-moi dessus»!

Tes désirs sont des ordres ma grande. Bien camouflée dans son large manteau, personne ne se doutait qu’Ayden se baladait avec une deuxième arme de poing. D’un geste rapide, il plongea sa main dans son vêtement pour en sortir un long Colt 45, lui aussi muni d’un silencieux. Il tira une balle avec le Colt, qui vint couper le fil gauche des écouteurs de Willow. Le projectile fila contre une canalisation, ce qui le fit ricocher. Il tira ensuite avec le Desert Eagle, visant avec une précision chirurgicale la balle en train de ricocher, dirigeant alors cette dernière sur le fil droit de l’écouteur. Hop, comment ruiner de si beaux écouteurs probablement achetés chers.

« See, I’m a pro. »

Tout ça pour lui dire «Je vise bien, personne ne mourra ce soir. À part toi peut-être. ». Il abaissa alors ses armes, cessant finalement de menacer la jeune fille. Il soupira doucement puis reprit la conversation, tout en faisant tournoyer le Desert au bout de son doigt.

« Toi aussi, tu me fais perdre le miens. Il te suffit juste de me dire où est-ce que tu travailles tu sais. Je n’ai pas très envie de te capturer, te torturer et te faire parler alors si on trouvait un compromis? »