Purée et solitude

feat la solitude

La cafétéria. Le seul endroit de l'Agence à ne pas sentir les relants de gâteaux de la fabrique. Ici, l'odeur est couverte par celle plus tenace de la purée et du steak sur-cuit que les cantinières versent à mesure dans les assiettes. L'une des femmes, plus proche de la retraite que de ses vingt ans, l'aborde sans ménagement alors qu'elle retient une grimace de dégoût.

- Eh, fait pas cette tête jeune fille ! Et tu manges tout, je surveille !

Un sourire parfaitement hypocrite étire les lèvres de la brune qui récupère son assiette avec le merci le plus mesquin du monde, avant de saisir une pomme - certainement le seul aliment comestible du lieu - et de tourner la tête vers la salle, évidement bondée, comme tous les jours à cette heure depuis déjà quelques semaines. La vieille avait en ce moment la main lourde sur le boulot, si bien qu'ils n'avaient pas le temps de manger en ville et d'échapper aux affreux plateau-repas de la cafétéria.

Jouant des coudes entre les tables, elle finit par en trouver une au bout de laquelle discute deux filles dont elle a oublié le nom : elle se met à leur opposé, la tête tournée vers la fenêtre. Malgré son entrainement, la vieille continue de lui refourguer la paperasse dont personne ne veut. Des piles de dossiers inutiles parlant de missions anciennes réalisées pour la plupart par des agents disparus.

- Et tu sais ce qu'il a fait à ce moment-là ?
- Non, raconte !
- Il est sortit de l'eau, les cheveux mouillés et les gouttes tombant sur son tooooooorse !

Passionnant. Mais la réaction lui tire quand même un sourire amusé, alors qu'elle porte à sa bouche une fourchette remplie de purée. Mauvaise idée. Un stock de pomme de terre pourrie à écouler ? Une simple vengeance des cantinières ? Elle n'a que le temps de recracher le contenu dans sa serviette en papier.
Bon, finalement, une pomme c'est très bien.

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Fruits et amour

feat la squatteuse de table

Ce fut beau. Très beau. Et pas le mec derrière la maladroite, mais bien le geste.
On se serait cru dans un film américain, vous savez, le moment où la petite nouvelle renverse son plateau à cause d'un beau gosse et que la blonde pimbêche à souhait se le prend dans la figure. La même chose. Et Dieu sait que Blue aurait voulu filmer la scène et se la repasser en boucle au ralentit, juste pour voir la décomposition sur le visage de l'agente.
Jouissif.
Alors que la bleue croquait dans sa pomme d'un vert trop vert pour ne pas être suspect, la blonde en venait justement à sa torride nuit d'amour sur la plage avec le mec aux pectoraux saillants évoqué plus tôt. Blasée, elle tentait de ne pas y faire trop attention, malgré un appétit de vadrouille face à des scènes beaucoup trop imagées.
C'est là qu'un ange est intervenu. Et pendant trois secondes, Victoire jura d'aller à l'église rendre ça à Dieu, puis l'oublia, un fou rire montant dans sa gorge.
La blonde se leva, faisant face à la maladroite - qui eut tôt fait de s'enfuir pour atteindre son coin de table et s'installer en face d'elle -, elle croisa le regard virile et huilé du jeune homme qui avait bousculé l'autre fille. Elle lui pardonna immédiatement et lui donna même son numéro de téléphone avant d'aller aux toilettes laver ses cheveux, laissant sa pote seule.

Tournant la tête vers la nouvelle venue, elle se retint de l'embrasser pour lui avoir épargné un long et profond moment d'ennui et lui fit plutôt un grand sourire assez rare lorsqu'elle était sobre. Son visage ne lui disait rien, mais elle lui avait déjà fait forte impression.

- Bon appétit !

Et suivant son geste, elle croqua elle-même à nouveau dans sa pomme, avant de l'observer du coin de l'oeil. Elle était mignonne, avec ses cheveux blonds tressés et sa cape verte. D'ailleurs, elle lui rappelait un personnage, de jeux vidéos peut-être, mais le nom ne lui revenait pas. Il ne devait pas être très connu. Et l'observant, elle se demanda quelle couleur avait choisit la vieille pour cette recrue.

- Je suis curieuse de savoir quelle est la couleur de ma sauveuse.

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Purée et alien

feat l'ange/elfe

Tout en croquant dans sa pomme - verte, comme elle les aime ! - la jeune agente observa sa collègue. Une nouvelle sans doute, vu son temps de réponse face à une question pourtant assez courante dans le milieu. Cool ! Enfin une fille qui ne fuierait pas à l'entente de son pseudo, à croire que Nora avait tué la moitié des agents et laissé les autres témoigner pour l'avenir. Sa cousine n'était pas si méchante que ça. Quoique...

- Ebony ! Agent Ebony ! Et toiiiiii ?

- Je suis l'agent Blue ! répondit-elle sans se départir de son sourire.

C'est cet instant que choisis la fille toujours assise à côté pour se lever prestement, saisissant son plateau avec la délicatesse d'un éléphant dans une boutique de porcelaine. Nul doute que Nora était passée par là. Victoire suivit du regard la jeune femme qui alla par la suite rejoindre son amie toujours prisonnière des toilettes - la purée ne doit pas s'enlever facilement. Enfin, si on peut appeler ça de la purée, tant la substance blanchâtre dans son assiette ressemblait plus à un alien sous couverture prêt à dégainer, qu'à quelque chose de comestible. Sur ce point-là, sa cousine ne lui avait pas mentit, loin de là.

- Dis Princesse Amazone de l'Espace de l'Infini, pourquoi tu m'appelles sauveuse ?

Tirée de ses pensées en fasse avec la purée/alien, la brune releva la tête vers la petite blonde, dont la question eut vraiment du mal à monter au cerveau. Pour sa défense, avec un peu d'alcool, elle n'aurait pas eu tant de mal.

- Hm, laisse-moi réfléchir. Le taff est merdique, le boss est merdique, les cantinières sont merdiques, la bouffe est merdique et nos A-DO-RA-BLES copines de table sont encore plus merdiques. Donc, à côté, tu me semble un ange tombé du ciel.

Un ange avec de longues tresses blondes et de grands yeux bleus, souriante et qui pour le moment, semblait de bonne humeur quoiqu'il arrive - s'il lui était arrivé la même chose elle aurait fait un scandale et appelé l'avocat de sa mère. MOUAHAHAH.

- Ou une elfe...

Ah bien y réfléchir, il lui manquait plus que les oreilles pointues... Ah si, même ça elle l'a ! Étrangement, elle la voyait bien manier une arbalète et chasser le lapin blanc dans les bois. Enfin, chasser, c'est vite dit, elle serait plutôt du genre à le sortir d'un piège et à lui faire un câlin, non ?

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Bécassine, c'est ma cousine ♪

feat l'héroïne de Shonen et Ebony

- Hihi, je suis nouvelle alors je n'ai pas encore vu tout cela. Ça fait longtemps que tu travailles ici toi ?

Elle haussa vaguement les épaules. Deux ou trois mois à présent, guère plus, mais quand on passe deux ou trois mois à remplir de la paperasse au lieu d'aller en mission sur le terrain, forcément, ça travaille un peu l'esprit.

- T'inquiète, tu vas vite t'en rendre compte, en particulier à la fin du mois...

D'ailleurs, elle commençait doucement à se demander si le Grand Méchant Loup chercherait quelqu'un prochainement. Hm, à voir. De toute façon, elle faisait déjà peur à ses collègues, ça ne changerait pas grand chose de ce point de vue-là.

- Tu n'as pas l'air méchante, pourtant la fille à côté s'est sauvée en entendant ton pseudo.

De toute façon, cette fille, c'te une fragile ! Pas le genre à qui elle parlerait même bourrée et sous l'emprise de quelques produits pas forcément très légaux. Et pourtant, elle était très sociable comme nana, le genre à causer à tout le monde - et à boire avec tout le monde mais c'est une autre histoire - et à avoir plein d'amis qu'elle ne connait pas.
Contrairement à sa cousine qui avait laissé une marque très profonde dans l'esprit des gens. La même silhouette, les mêmes cheveux courts - quoique ceux Victoire soit plus bouclés - et surtout, le même pseudo. Plus d'un avait crut à un fantôme.

- Avant moi, y avait une autre agent Blue, ma cousine. Et elle n'était pas réputée ni pour sa douceur, ni sa gentillesse, d'après ce que j'ai compris. Bref, elle s'est barrée et m'a laissée sa place ici, sauf que les gens ont pas trop l'air de s'y faire.

La pauvre petite Victoire, rejetez de tous à cause de sa cousine, subissant les heures supp' jamais effectuées, devant brosser le sol des toilettes avec sa brosse à dents pour convaincre Mère-Grand de la former. Sortez les violons.

- Je m'en fous de ce qu'ils pensent de moi, tant que je fais bien mon boulot. De toute façon, ils vont pas avoir le choix, je compte pas me barrer pour si peu.

Sinon elle serait plus fragile encore que l'autre blonde et ça, pas question ! Plutôt manger cette foutue purée que de quitter son job. Et d'un air déterminé, telle une héroïne de shonen, elle croqua à nouveau dans sa pomme. Enfin, enlevez l'air déterminé.

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Bécassine, c'est ma cousine ♪

feat l'héroïne de Shonen et Ebony

Derrières elles, la cafétéria se remplissait à mesure que l'heure de midi avançait et la salle pleine parue d'un seul coup trop petite pour tous les agents, si bien que les cantinières, depuis leur cuisine, ordonnaient à certaines tables qui traînaient trop à se lever pour faire de la place. Et malgré l'hiver qui faisaient chuter les températures dehors, Victoire était à deux doigts de se plaindre de la chaleur. Heureusement que Mère-Grand économisait aussi le chauffage.

- T'as bien raison, on s'en fiche de ce que pensent les autres, du moment qu'on va bien !

Un sourire complice étira à nouveau les lèvres de l'agente et comme pour saluer cette remarque, elle fit cogner son verre d'eau contre celui de sa nouvelle amie.

- De toute façon, je suis persuadée que c'est une fausse blonde, maugréa la vraie fausse blonde en entortillant une de ses mèches à racines brune autour de son doigt parfaitement mannicuré.

Pourvu qu'elle n'ait jamais à bosser avec elle. Hm. Si, en fait. Et la laisse accidentellement aux mains des ennemis et oublier de le dire à Mère-Grand.
Et la petite agente en face d'elle n'en pensait pas moins, malgré son visage toujours aussi paisible. C'est d'ailleurs avec cet air-là qu'elle saisit son assiette encore pleine de purée (et dans laquelle elle avait dessiné consciencieusement le visage de leur chef aimée de tous), se leva, murmura un truc qu'elle ne comprit pas, sa tête trop prise parce qu'elle imaginait déjà. Et le rêve devint réalité.
La purée dégoulinante de son visage, la fille hurla. Bref, mais jouissif.
Aussitôt, un garçon derrières elles, ayant remarqué la scène, se mit sur une table et cria à pleine poumons :

- Bataille de Bouffe !!!!

Saisissant la manche de sa veste, Victoire sentit Ebony l'entraîner à l'abri des projectifs qui fusaient un peu partout à travers le réfectoire, les protégeant à l'aide du plateau à présent vide. Sans attendre, l'agente attrapa le contenu d'un autre plateau tombé par terre, se releva quelque seconde et visant une personne au hasard dans la salle, elle fit un tir en plein dans le mille.

- Vite Michelle, ramasse les plateaux !

Et Michelle paniquée, prenant les plats pour les ranger, mais trop tard, déjà un agent tire de toutes ses forces, avant de tout relâcher. Le récipient plein de purée bascule et renverse finalement tout son contenu sur Michelle, sous les yeux stupéfait de Jacqueline.

- Mère-Grand saura qui a fait ça !! hurle-t-elle.

Trop tard, personne ne l'écoute. Certains déterrent Michelle et profite de ces nouvelles munitions pour arroser d'avantage les collègues planqués un peu partout dans la salle. Il y a maintenant deux camps, ceux qui de la salle et ceux des cuisines, certes moins nombreux mais plus armés.

- Hé, j'ai une idée.

L'agente se lève à nouveau et pousse les chaises devant elles le plus loin possible, puis tire sur les pieds de la table, la faisant basculer en avant. Barricade improvisée. La purée s'écrase mollement contre le bois sans qu'elle ne puisse les atteindre.

- Agents, rendez-vous, nous tenons en otage les tartes au citron !

- Oh mon dieu, ils détiennent la seule chose comestible de la cuisine, on peut pas les laisser faire ! s'écrie un des agents, lui aussi caché derrière l'une des tables.

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feat EBONY & BLUE

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