Il y avait cette odeur particulière dans l'air. L'odeur d'un temps révolu, mais dont la vie palpitait encore là, dans ce lieu si propice au changement : la bibliothèque. Jamais elle ne trouverait d'endroit plus beau, ni plus calme. Les vieilles étages en bois, solides pour encore quelques siècles de mémoire, laissaient se reposer les ouvrages vieux et plus récents, faisant finalement tous parti de la belle et grande famille des livres. Aloysius Bertrand et autre Baudelaire coulait des jours heureux dans la douceur d'un rayon de soleil qui montrait encore et toujours les lumières de l'humanité parmi bien des écrivents.
Personne à cette heure là de la journée, c'est sans doute pour ça que chaque fois, Blue, y allait sur sa pause du midi. Sacrifier un repas à peine mangeable au profit d'une petite escapade dans un ailleurs meilleur lui semblait être une bonne idée, jusqu'à ce que son ventre cri famine. Mais déjà, elle se sentait envoûtée par l'aura qui se déployait sur les lieux, comme quelque bienveillant fantôme jouant avec les mortels pour finalement les guider vers les plus beaux trésors de ces mondes. Ses pas même devenaient d'infime poussés sur le sol en lattes, tandis que ces doigts faisaient leur parcours maintenant rituels, se laissant aller contre les reliures en cuir qui croisaient leur chemin.
Son regard bleu tomba enfin sur ce qu'il cherchait et aussitôt sa paume se pressa contre les étagères, avant de tomber sur des pages fines et fragiles comme du papier bible.
Les cahiers de Douai. L'un des livres de ce qu'elle considérait comme étant un génie de la poésie. Un parfum de magie flottait dans l'air. Le nez dans le livre, sans plus prêter attention à rien d'autre, elle se dirigea machinalement vers une table, celle juste sous la fenêtre où pleuvait la lumière dorée du soleil, là où elle s'asseyait toujours. Sortant de sa poche un petit carnet de note et un stylo, elle commença à recopier du même geste automatique, des brides de phrases et mots en nuée.
- Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige ! Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !, murmura-t-elle durant sa lecture.