« LA SORCIÈRE ! LA SORCIÈRE ! BRÛLEZ LA SORCIÈRE ! »

Les cris des enfants avaient perdu leur mélodie de comptine enjouée, pour déchirer la quiétude de la cour de récréation comme autant de flèches mortelles. Tout était parti d’une petite chanson presque innocente, pour se transformer en hurlements cruels, d’une violence sans nom, dont seuls les enfants sont capables. Ils condamnaient à mort l’une de leurs camarades de classe, avec la même absence de pitié qu’ils le faisaient chaque fois qu’elle disait quelque chose qui sortait de leur entendement, tout en sachant pertinemment qu’ils ne seraient pas exaucés. Peut-être ne l’assassineraient-ils pas ainsi verbalement s’ils avaient dû voir leurs mots porter un effet bien réel, d’ailleurs. Lily s’était souvent imaginé que la parole était une arme. Une arme bien réelle, capable de déchirer les cœurs, et d’anéantir les esprits. Elle avait d’abord baissé la tête, et resserré ses bras sur le lapin en peluche qui avait causé cette énième esclandre. Et puis, se sentant au bord des larmes, elle s’était mise à courir, dans l’espoir de se protéger des traits verbaux qui l’assaillaient de toute part. Trouver un abri. Aveuglée, perdue, elle perdit momentanément l’équilibre, et manqua de trébucher, ce qui provoqua derrière elle une hilarité méchante. Et puis, comme si les mots n’étaient finalement pas assez blessants, les enfants attrapèrent des bâtons, des cailloux, et entreprirent de la prendre en chasse.

« SORCIÈRE ! SALE SORCIÈRE ! CRÈVE, VA POURRIR EN ENFER ! »

Alors qu’elle se croyait perdue, Lily vit la porte de la bibliothèque apparaître devant elle. Son refuge. Son havre. Elle n’hésita pas une seconde, et poussa jusqu’à l’intérieur, avant de claquer la porte derrière elle. Il lui fallut longtemps pour récupérer son souffle. Elle savait qu’aucun de ses camarades n’osait entrer dans cette pièce. Il ne fallait pas y faire de bruit, sous peine de se faire réprimander par Mrs Branlow, la bibliothécaire de l’école. Cette vieille dame un peu bourrue posait toujours un regard attendri sur la fillette, et la bibliothèque était le seul endroit dans l’école où elle se sentait en sécurité. Si les autres enfants avaient passé un peu plus de temps au calme à lire tous les livres dont elle regorgeait au lieu de se taper dessus dans la cour de récréation, peut-être auraient-ils été un peu moins fermés d’esprit ? Lily se laissa tomber sur un petit fauteuil. La pénombre autour d’elle l’enveloppa dans un cocon réconfortant. Elle essuya ses petits yeux, et les posa sur sa peluche.

« Ne les écoute pas, Mr Boogums. Je sais bien que tu parles, moi. »

« Évidemment que je parle ! Il ne manquerait plus que ça.. Ne t’en fais pas, Maman, leurs mauvaises paroles ne m’ont pas blessé. Je m’inquiète seulement pour toi.. »

Et voilà que Mr Boogums ouvrait ses petits bras pelucheux pour se nicher entre ceux de chair et de sang de sa petite maîtresse. Elle venait de changer de voix pour permettre à son ami de parler, et c’était ce petit jeu de dialogue sans malice avec sa peluche qui avait provoqué la violente incompréhension de ses camarades. Comme toujours, Lily retrouva rapidement le sourire.

« Et si nous lisions un livre, Mr Boogums ? »



« Non, s’il te plait Maman, n’éteins pas la lumière.. »

Lily se recroquevilla sous sa couette, ne laissant dépasser du tissus que ses petits yeux suppliants. Mrs Moonshadow croisa les bras, signe qu’elle n’était pas contente, et s’appuya contre l’encadrement de la porte.

« Il faudra bien que je l’éteigne, si je veux que tu dormes. Elle t’empêche de fermer l’oeil. »

« Oh, je fermerai encore moins l’oeil si tu l’éteins. »

Les lèvres de Mrs Moonshadow frémirent. Les caprices de sa fille, tous plus abracadabrants les uns que les autres, avaient tendance à l’épuiser ces temps-ci, et elle sentait sa patience s’amenuiser à mesure que Lily inventait de nouvelles fables. Son imagination débordante était d’abord apparue comme un cadeau, pour se transformer en malédiction. Elle soupira.

« Allons bon, qu’y a-t-il encore, cette fois ? »

Lily sentit bien, au ton de sa mère, qu’elle n’était pas loin de l’histoire de trop. Pourtant, elle répondit timidement, en baissant les yeux.

« ... Des leprechauns ? »

Mrs Moonshadow leva les yeux au ciel. Elle avait parfois l’impression que sa fille ne poserait jamais les pieds dans le monde réel. Le ton de sa voix monta également.

« Des leprechauns ?? Qu’est-ce que c’est encore que ces bestioles-là ? Tu ne.. »

« Allons, chérie, ne me dis pas que tu ignores ce que sont les leprechauns. » l’interrompit une voix grave et douce, profonde, juste derrière elle.

Le sourire de Mr Moonshadow était empli de malice lorsqu’il adressa un clin d’oeil au petit bout de fille qu’il avait laissée dans son lit. Celui que Lily lui rendit fut emprunt d’une forme de gratitude. Mrs Moonshadow les regarda tour à tour en fronçant un peu plus les sourcils entre chaque regard perçant, puis haussa les épaules, et sortit de la chambre en claquant la porte. Le père de Lily franchit la distance qui la séparait de sa fille, et s’assit sur le lit.

« Ne t’en fais pas, Lilygums. J’ai laissé une part de tarte et un verre de lait sur la table. Si les leprechauns ont faim, ils n’auront qu’à se servir. Ainsi, ils ne monteront pas jusque dans ta chambre. Et puis, s’ils devaient monter tout de même, tu auras Mr Boogums avec toi pour te protéger. »

Il lui tendit le lapin en peluche, que la fillette attrapa avec un sourire. Mr Moonshadow déposa un baiser sur son front, et éteignit la lumière.

« Bonne nuit, étoile de ma vie. »

Un long silence suivit le claquement de la porte. Les ombres des arbres du jardin dansaient sur le plafond à travers la fenêtre, éclairées par la lune souveraine. Et puis des voix se firent entendre. Celle de Mr Moonshadow, celle de sa femme. Mais la fillette ne prêtait pas attention à ce qu’elles disaient. Elle ne parvint à comprendre au hasard qu’un « tu l’encourages dans ses délires, elle ne grandira jamais ». Un battement régulier déchirait la nuit, et Lily mit un long moment à comprendre qu’il s’agissait de son propre cœur. Un chuchotement, quelque part, dans l’ombre. Des grattements, comme ceux d’un petit rongeur. Les leprechauns !! La fillette se redressa vivement, et courut allumer la lumière. Au moment même où elle s’était retournée, la fenêtre de sa chambre s’ouvrit à la volée. Un jeune homme se tenait sur l’appui de fenêtre. Il avait les cheveux et les yeux d’un gris neutre, clair, mais impénétrable. Folle de terreur, l’enfant tambourina contre sa porte fermée, dont elle était trop petite pour attraper la poignée.

« Au secours !! Au secours !! Le croque-mitaine !! Le croque-mitaine !! Papa !! »

Mais ce fut la voix de sa mère qui lui répondit à travers la cloison.

« LILY ALICE MOONSHADOW ! LES GNOMES ET LES FARFADETS N’EXISTENT PAS, ET A CETTE HEURE-CI, ON DORT ! »

Elle sursauta lorsque le jeune homme descendit lestement de la fenêtre pour poser les pieds sur le plancher. Il n’avait pourtant pas fait plus de bruit qu’un chat. Tremblante de terreur, la fillette brandit Mr Boogums devant elle, comme si la peluche pouvait le protéger de l’intrus. Celui-ci esquissa un petit sourire amusé, et tapota affectueusement la tête du lapin.

« Bonsoir, Mr Boogums. »

Lily ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. L’inconnu avait une jolie voix, douce, et profonde, comme celle de son père. Elle jurait singulièrement avec la dureté froide de ses yeux d’acier. Tout à coup assez rasereinée pour se montrer curieuse, elle cligna plusieurs fois des yeux.

« Comment connais-tu Mr Boogums ? »

Première question d’une enfant, avant même de demander qui se trouvait en face d’elle. L’inconnu ne perdit pas son sourire, et ses yeux perdirent un peu de leur glace, pour laisser un peu de place à une petite lueur de tendresse.

« C’est un vieil ami. Et toi aussi je te connais, Princesse. »

Les yeux de Lily s’ouvrirent encore plus grand, si tant est que ce fut possible.

« Princesse.. ? »

L’étranger jeta un coup d’oeil tout autour de lui, comme s’il analysait la chambre.. Avant de décider de poser son derrière sur un coin du lit.

« Bien sûr. Tu es la princesse Lily. Et moi, je m’appelle Lantern. Je suis le gardien de ton royaume. »

La fillette oublia dès lors toute prudence. Elle se précipita sur le garçon, et lui attrapa la main.

« J’ai un royaume, moi ?? »

Lantern esquissa de nouveau un sourire.

« Évidemment. Celui que tu as construit dans ta tête depuis toutes ces années. Je te le garde précieusement depuis tout ce temps. Et ce soir, Mr Boogums et moi-même avons décidé qu’il était temps que je t’en donne les clefs. »

Elle le suivit du regard, comme si ses yeux étaient vissés sur le visage du garçon, alors que celui-ci se leva, et rejoignit la fenêtre. Elle se précipita vers lui quand il remonta sur le rebord.

« Attends !! Ne t’en vas pas !! Reste avec moi.. »

Lantern lui tendit sa main fine, blanche, presque aussi lumineuse que la lune qui découpait sa silhouette dans la toile sombre de la nuit.

« Mais tu viens avec moi, petite Princesse. »

La fillette marqua un temps d’hésitation.. Puis elle saisit la main du jeune homme, et grimpa sur le rebord de la fenêtre.

« Mes parents.. Je vais les revoir ? »

« Tu pourras aller et venir comme bon te semble. Alors.. Tu viens ? »

La fillette jeta un coup d’oeil vers le sol. Il se trouvait à plus de cent mètres, et elle savait qu’une chute de cette hauteur lui serait fatale. Elle déglutit.

« A.. Attends, comment comptes-tu nous.. A... AAAAAAHHHHHH !! »

Lantern avait tiré sur sa main, et le rebord de la fenêtre s’était dérobé sous ses pieds. Terrorisée, elle ferma les yeux, et resserra sa main sur celle du jeune homme. Celui-ci échappa un petit rire amusé.

« Tu peux ouvrir les yeux, Princesse. »

Lily obtempéra timidement, non sans une certaine appréhension. Devant elle, Lantern marchait dans le vide avec autant d’aise que s’il posait les pieds sur un sol palpable. Peut-être y en avait-il un invisible ? Elle baissa un peu les yeux, et observa ses propres pieds. Elle était en train de marcher elle aussi sans même s’en rendre compte. Pourtant, elle ne sentait aucune matière concrète sous ses pieds. Ses gestes étaient moins assurés que ceux de son guide, mais elle s’en sortait bien. En dessous d’eux, la ville ne cessait de rapetisser, et bientôt le vertige obligea la fillette à regarder droit devant elle. Lantern posa un pied sur le croissant de la lune, et tourna les yeux vers elle.

« Sais-tu pourquoi tu t’appelles Moonshadow ? »

Il désigna de la tête l’ombre transparente de la lune, croissant inversé et invisible qui permettait au croissant lumineux d’avoir sa forme scintillante. Les contours d’un large portail s’y dessinaient. Le jeune homme plongea sa main dans sa poche, et en sortit un gigantesque trousseau de clefs. Il en glissa une petite dorée dans la serrure, et les battants du portail s’ouvrirent.. sur l’endroit le plus improbable que Lily ait jamais vu. Une pente douce recouverte de gazon verdoyant descendait vers une immense prairie parsemée ça et là d’arbres à bonbons qui dansaient sur un vieux rythme de jazz, de moutons-barbe-à-papa qui allaient au hasard des routes en bêlant des bulles de savon, et de lapins en chocolat qui gambadaient joyeusement en pétant des feux d’artifices multicolores. Et au milieu de tout ça..

« MR BOOGUMS !! »

Lily se rua sur l’immense lapin qui faisait deux têtes de plus qu’elle, et qu’elle avait immédiatement reconnu. Celui-ci l’accueillit avec un grand sourire, et la prit dans ses bras pour la serrer tendrement contre lui.

« Comme je suis heureux que tu sois enfin là, Maman.. Je t’attends ici depuis tout ce temps. »



« Si tu as besoin de moi, tu n’auras qu’à m’appeler. Je viendrai te chercher. »

Lily releva les yeux vers Lantern, qui faisait six bonnes têtes de plus qu’elle. Il aurait pu être un grand frère pour elle, et elle se demanda un instant s’il vieillissait, lui aussi. Si un jour elle aurait l’air d’avoir le même âge, et si elle finirait par faire office de grande sœur. Mais les yeux du jeune homme lui donnaient l’air si vieux, malgré son visage imberbe et sa carrure rachitique, qu’elle ne douta pas qu’il ait vécu avec cette apparence très longtemps déjà. Il semblait connaître les réponses à ses questions avant même qu’elle ne les pose, comme s’il pouvait lire en elle. Comme s’il la connaissait par cœur.

« Le temps ne passe pas de la même manière ici qu’à l’extérieur. Tes parents ne se sont pas aperçus de ta disparition, et tu seras dans ton lit avant qu’ils ne se réveillent. »

Être ainsi percée de part en part par un parfait inconnu aurait de quoi effrayer. Pourtant, si c’était le prix à payer pour pouvoir vivre des aventures comme elle venait d’en vivre, chaque fois qu’elle le voudrait, elle s’en accommoderait bien volontiers. Faire confiance à cette personne, qui qu’elle soit, en échange d’un petit paradis d’imagination.. Ce n’était pas cher payé, pensait-elle.

« Pourtant, cela fait bien une journée entière que je suis ici. »

« Le temps passe vite quand on s’amuse.. »

Le jeune homme attrapa la main de la petite fille, et tous deux s’élancèrent dans la nuit froide. Les portes de Moonshadow se refermèrent derrière eux, avec un long grincement suivi d’un claquement sec. Le vent était vif, et mordant. L’horizon commençait à se tinter de pourpre et d’opale. Le soleil s’étirait paresseusement, et tentait d’ouvrir les yeux derrière son édredon de nuages.

« Lantern ? »

« Oui, petite Princesse ? »

« Tu resteras toujours avec moi, hein ? Toi et Mr Boogums.. Vous ne m’abandonnerez jamais ? »

« ... »

« Lantern ? »

« Je te le promets. »



« Mr Boogums.. Mr Boogums, parle-moi.. »

Un silence écrasant engloutit la chambre de Lily. Le lapin en peluche qu’elle avait posé sur son bureau restait résolument silencieux. Le temps l’avait éborgné, et rendu manchot. La chevelure de sa maîtresse avait poussé. Beaucoup. Elle était belle, assise sur sa chaise, les genoux repliés, dans la jolie robe que sa mère lui avait acheté pour son anniversaire. Une part de gâteau était posée devant elle, et deux bougies y étaient encore plantées. Un un, et un quatre.

« Mr Boogums, ne sois pas fâché.. Je grandis, mais je reste la même. ça ne change rien. Je ne suis pas une grande personne, tu peux me parler. »

Mr Boogums refusait visiblement de répondre. Peut-être la raison de ce silence se trouvait-elle dans le fait que Mrs Moonshadow, considérant sa fille trop vieille pour avoir encore des conversations avec ses peluches, ait pris les devants en déposant le lapin sur un tas de vieux jouet, devant une pancarte qui indiquait « vide grenier », quelques heures auparavant. La jeune fille posa la tête sur le bureau, ayant croisé ses bras en dessous. Ses yeux se perdirent dans ses pensées un instant, puis elle reprit d’une voix douce.

« Mr Boogums.. Il m’est arrivé quelque chose de terrible aujourd’hui. Il y a ce garçon.. Il a voulu me.. Me.. Il a touché.. »

Elle s’interrompit. Son besoin de se confier était si intense qu’elle avait presque oublié que parler à voix haute dans sa chambre n’était pas une bonne idée, si elle voulait tenir sa mère éloignée de ses affaires. Elle posa les yeux sur le lapin en peluche.

« Mr Boogums, je t’en prie.. Laisse moi parler à Lantern. Tu sais comme je vous aime, tous les deux.. »



« Tu n’as rien, Princesse ? »

Lantern se tenait à quelques mètres de Lily, là où il s’était placé pour s’interposer entre elle et une créature immonde, innommable, répugnante de sang et de chairs pourries, qu’il avait éliminée d’un seul geste, avec une implacable froideur. Son bras était encore levé, dégoulinant de l’hémoglobine brunâtre qui avait giclé sous son coup.

« N... Non. »

La jeune fille avait les yeux rivés sur ce qui restait de son assaillant, comme hypnotisée par tant de laideur et d’horreur réunies. Elle avait du mal à maîtriser les martellements de son cœur. Une fois encore, Lantern lui avait sauvé la vie. Elle ignorait ce qui adviendrait si elle devait mourir à Moonshadow, et si cela risquait de mettre en péril son autre existence. Elle n’avait jamais osé poser la question à son guide.. Elle avait peur de ne pas aimer la réponse.

« Je ne l’ai pas inventé, celui-là.. »

« Il en vient de plus en plus, des comme ça. »

« D’où viennent-ils ? »

Lantern eut un petit sourire sardonique.

« Mais de ta tête, Princesse. De ta tête. Tout ça, c'est dans ta tête. D’où veux-tu qu’ils viennent ? »

Cette réponse-là non plus, Lily ne l’aimait pas. Comment de telles créatures pouvaient-elles faire leur entrée à Moonshadow ? Leur présence n’était pas désirée, et elles attaquaient tout ce qui bougeait. Quelle était leur utilité en ces lieux ? Un long silence s’installa. Lantern nettoya consciencieusement sa main dans un petit ruisseau d’argent, et celui-ci prit la couleur du sang. Lily avait vu tant de choses se métamorphoser de la sorte sous ses yeux qu’elle n’en fut pas surprise. Elle s’asseya sur un gros rocher, et regarda autour d’elle. Ces créatures l’avaient visitée dans sa propre chambre, alors qu’elle ne dormait pas. Elle aurait voulu en parler à Lantern, mais sans qu’elle sache réellement expliquer pourquoi, elle sentait qu’il savait déjà. Une perruche-arc-en-ciel s’échappa des frondaisons, avec un caquètement sonore. Quel serait le destin de Moonshadow ? Ce qui s’y passait avait-il une influence sur son état de santé réel ? Tellement de questions sans réponses. Cela faisait si longtemps qu’elle arpentait sa propre imagination, et pourtant, elle avait l’impression de n’en rien connaître. Et celui qui avait toute les réponses avait beau partager ses jeux comme un frère depuis tout ce temps, elle ne pouvait toujours pas prétendre le connaître. Des réponses, il n’en donnait qu’au compte-gouttes, et plus le temps passait, plus ça avait tendance à agacer la jeune fille. De plus, elle n’en aurait pas juré, mais il lui semblait parfois que Lantern s’amusait de sa propre évasiveté.

« Que va-t-il se passer, à présent ? Je redoute tellement la guerre.. »

Lantern se redressa, et se tourna vers la demoiselle. Elle était à cet âge entre l’enfance et le reste, où elle était trop grande pour se contenter des fées, et trop jeune encore pour ne pas être facilement impressionnable. Les yeux du jeune homme furent traversés par une lueur étrange, fugace, qui ne dura que le temps d’un sourire. Lily ne l’avait encore jamais vu ainsi, et ses yeux s’ouvrirent tout grands. Elle réprima un frisson lorsqu’il répondit le plus naturellement du monde:

« Regarde autour de toi, petite Princesse. C’EST la guerre. »