Le bruit des railles retentit dans toute la gare. Une voix annonça le nom de l'arrêt.
- Limoges. Attention à la marche en descendant du train.
Une fille aux cheveux pâles essayait de se faufiler pour sortir tout comme une bonne masse de personnes. Elle scruta leurs visages mais personne ne semblait s'intéresser à elle. Alors elle s'assit et regarda les personnes passer. La plupart étaient des travailleurs qui rentraient fatigués chez eux quoiqu'on pouvait voir aussi des enfants qui partaient en vacances parfois accompagnés de leurs grands-parents. C'est vrai que l'été venait de débuter. Elle aurait aimé s'amuser aussi cette année comme une adolescente normale mais sa vie prenait un nouveau tournant.
- Mademoiselle ? Vous êtes attendue chez Monsieur le comte je présume ?
Elle sortit de ses pensées et leva les yeux vers l'homme qui lui faisait face. C'était un vieux bonhomme tout trapu à l'aspect cadavérique. Pas très engageant. Heureusement que ce n'était pas lui son tuteur sinon la vie aurait été longue et monotone. Elle se leva et s'adressa à l'homme.
- Oui, c'est bien moi.
- Alors suivez-moi.
L'homme la conduisit jusqu'à une voiture noire qui avait l'air de coûter cher. Elle monta et ils démarrèrent. Ses parents étaient morts dans un incendie dans la banlieue de Paris là où elle habitait avant, pendant qu'elle était au lycée. Enfin c'était plutôt son beau-père, son vrai père serait mort avant de l'avoir connu. La voiture arriva devant un manoir assez isolé de toute vie aux alentours. La demeure était imposante et un immense jardin l'entourait. Malheureusement, la façade n'était pas très bien entretenue. L'homme lui ouvrit la portière comme faisaient les bourgeois et l'accompagna jusqu'à la porte d'entrée. En homme galant, il l'a fit entrer en première. Sa première impression s'envola d'un coup. Face à elle se trouvait un mobilier tellement moderne que même Paris Hilton rêverait de le posséder. C'en était presque futuriste. Des escaliers en marbre sans rambardes montaient en spirale. Un canapé en coin qui pouvait contenir dix personnes faisait face à un écran plat haute définition. Des meubles en marbre ou en bois d'érable poli portaient des livres en bon état, des vases chinois avec des fleurs fraîches du matin, des lampes ou encore des dossiers. Le plafond était étonnamment haut et, au centre, un lustre éclairait à lui seul la pièce.
- Je vois que vous êtes arrivée. Impressionnant non? Avec la maison vu d'extérieur on s'attend à un mobilier plutôt vieillot mais ce n'est pas vraiment le cas.
Elle se retourna vers la provenance de la voix. En haut de l'escalier, un jeune homme brun à la carrure bien taillée et assez grand la toisait, sûrement le fils du comte. Puis il descendit les escaliers et lui fit face. Il avait les yeux verts. Elle ne saurait pas dire quoi, mais ses yeux avaient quelque chose de particulier, ils n'étaient pas uniquement verts.
- Les yeux du Loup.
Elle sursauta. Une voix de femme, légère et froide à la fois, venait de parler. Elle ne fit pas de réflexion sinon on risquait de la prendre pour une folle si elle avait mal entendu.
- Bienvenue dans ma noble demeure en espérant qu'ici et les alentours vous plairont, lui dit-il en souriant. Je me présente, Ayden Blake.
- Enchantée, Eveline Grusse mais vous pouvez m'appeler Eve.
- Alors ce sera Eve. Et tu peux me tutoyer, lui dit-il avec un air amusé. Viens que je te fasse visiter.
Ils montèrent et commencèrent par les chambres. Ils entrèrent dans l'une d'elles qui avait un papier peint vert. Elle était assez vaste pour s'y sentir à l'aise et assez petite pour garder un peu d'intimité et un certain confort. A l'intérieur, il y avait un lit et sa table de nuit, une bibliothèque, un canapé, un bureau, une armoire et une fenêtre donnant sur l'immensité du par... hum, du jardin. A côté, il y avait une salle de bains et des toilettes.
- Elle te plaît ? Sinon il y en a d'autres mais elles ne sont pas prêtes.
Elle se retourna et lui sourit
- Elle est parfaite. Mais j'ai du mal à comprendre quelques détails...
- A propos du testament ?
- Oui c'est ça.
- Viens, on va s'asseoir dans le salon. Tu bois du thé, du café?
- Je ne bois que du chocolat au lait.
Ils descendirent au salon et s'assirent dans les fauteuils.
- Gustave, tu peux nous amener un chocolat au lait et un café s'il te plait?
- Tout de suite, monsieur.
Le vieil homme qui était aller la chercher a la gare se dirigea vers la cuisine, le majordome sans doute.
- Alors qu'est-ce qui te tourmente?
-Et bien le testament dit que je suis confier au comte mais plusieurs éléments clochent. D'abord le comte fait parti de la famille de mon beau-père alors que me confier a ma tante ou a de lointains cousins maternels aurait pu être plus simple. Puis je ne te connais pas, on ne m'a jamais parler de toi ou du comte ou même de qui que ce soit qui vivrait ici
- Alors d'abord une petite précision, le comte c'est moi. Mon père est parti avec son autre femme et m'a légué le manoir et j'hérite automatiquement du titre.
- Mais... Tu as quel age sans vouloir être indiscrète?
- J'ai 18 ans, je sais a peine la majorité. Mais le fait que ton beau-père ait souhaité que tu me sois confiée, que je sois comte et que je sois accompagné de Gustave a fait que le tribunal a accepter que je sois ton tuteur ainsi que Gustave. Et puis que tu ne me connaisses pas est aussi normale. Ton beau-père et mon père étaient de bons amis lorsqu'ils étaient gamins et puis un jour ils ont coupé le contact entre eux comme mon père la fait avec moi, j'en ignore la raison.
Gustave entra dans la pièce, pausa les tasses sur la table basse en verre et s'en alla. Eve prit la tasse de chocolat et la sirota avant de répondre.
- Alors il coupe les ponts avec un ami comme ça et puis tout d'un coup il me confie a son fils, ce n'est pas vraiment logique tout ça, se dit-elle plus pour elle que pour Ayden. Il y a un lycée dans le coin j'imagine?
- Oui bien sur, je t'y est inscrite. Mais comme il est a Limoges, Gustave t'y emmènera tous les matins et le soir quand je serais disponible je viendrais te chercher sinon il va falloir rentrer en bus, je t'ai acheter une carte.
Elle frémit rien qu'en appréhendant la rentrée. Elle se voyait déjà rejetée parce qu'elle a eu une vie bien différente de la normale. Et dire qu'avant la mort de ses parents elle avait des amis, de la famille, des activités... Elle a du tout abandonner pour démarrer une nouvelle vie ici au manoir du comte dont elle ne connaissait que le nom. Elle posa sa tasse vide sur la table et se leva.
- En haut...
Un frisson la parcourt. Elle revenait.
- Je suis épuisée. Je vais monter ranger mes affaires
- D'accord. Gustave t'appellera pour le dîner et n'hésite pas a visiter, tu es chez toi maintenant.
Elle monta dans sa chambre. La valise était déjà sur le lit. Elle rangea rapidement ses affaires et monta au deuxième étage. La plupart des pièces étaient faites pour travailler, sauf une. Il y avait a l'intérieur une commode, un miroir et un tapis. Eve tenta d'ouvrir les tiroirs de la commode, en vain.
- Derrière le miroir en bas a droite...
Elle mit sa main a l'endroit indiqué. En effet, il y avait un bouton. Elle appuya dessus et un petit tiroir sortit du miroir avec dedans une clé. Elle la prit et le petit tiroir se referma tout seul. Elle testa plusieurs fois différents tiroirs mais aucun ne se déverrouillait.
- Le plus gros deux fois a droite, une fois a gauche pour celui en haut a gauche puis deux fois a gauche pour le plus foncé...
Eve fit ce que lui dictait la voix et un clic se fit entendre. Elle tourna la poignée du tiroir et il s'ouvrit. Elle sourit. Cette voix était sa meilleure amie désormais c'était décider. Mais elle fut déçue. A l'intérieur, il n'y avait que des dossiers et des fiches. Mais en regardant de plus près, les dessins ne représentaient pas des humains ou autre. Ils représentaient des créatures qu'elle n'avait jamais vu surement sorties d'une imagination débordante. Puis des cartes avec des villes inconnues et des frontières qui lui étaient étrangères. Et des textes qui parlaient de guerres qui n'ont jamais eu lieu, de rois et reines qui n'ont pas vécu, de lieux décrits qui n'existent pas. Étrange que ces documents soient mis ainsi sous clé. Consciente qu'elle n'avait pas trouver de simples papiers mais un trésor, elle se fit le plus possible discrète.
- Le dîner est prêt, Mademoiselle.
Elle sursauta. Heureusement, il n'est pas monté.
- Un instant, j'arrive.
Elle rangea précipitamment son trésor, verrouilla le tout et remit la clé a sa place. Puis elle descendit et prit place a table en face d'Ayden. Il n'y avait que deux couverts. Une délicieuse odeur flottait dans les airs.
- Gustave ne mange pas avec nous?
- Non il rentre chez lui tous les weekend et nous sommes vendredi.
- Alors tu es euh... était seul toutes les fins de semaine. Ça sent drôlement bon, c'est toi qui cuisine?
- Oui c'est moi. Ça agace Gustave mais moi ça m'occupe. Je m’entraîne quand je n'ai rien a faire.
-Et bien c'est réussi, c'est excellent.
-Merci. Alors tu as eu le temps de visiter un peu?
-Oui j'ai regardé un peu le deuxième étage.
- Ah oui. Oh il n'y a pas grand chose a voir la-bas, sauf si tu aimes lire bien sur
- J'adore. Je sens que je vais passer pas mal de temps dans la bibliothèque, elle est immense!
- Oui il doit y avoir plusieurs milliers de livres au moins, surement plus je ne les ai jamais compter.
Pendant tout le dîner, Eve ne mentionna pas la commode dans la pièce vide, ni Ayden d'ailleurs. Cela devait surement être un sujet délicat. Eve s'imaginait plusieurs scénarios mais aucun d'eux n'incluait que le sujet soit abordé. Et puis si c'est mis sous clé et tellement a l'écart, c'est qu'il doit y avoir une bonne raison. A la fin du repas, ils montèrent se coucher. Ça restera un secret rien que pour elle et Constance. Elle avait décidé d'appeler la voix comme ça car le nom ressemblait un peu a conscience et elle savait que la voix ne lui parlait qu'a elle. Des psychologues le disent qu'après la mort d’êtres proches, on peut avoir des voix qui nous parlent dans notre tête. Mais comme les gens qui ont ça habitent dans un hôpital psychiatrique, elle le gardera pour elle quoi qu'il arrive. Et elle s'endormit.

Des cheveux blonds tellement pâles et lisses sans aucune ondulation tombant jusqu'au bas des omoplates ou amassés en chignon, une peau pâle qui refuse de bronzer depuis toujours, des yeux si bleus qu'ils en sont presque opaques avec une touche de maquillage, un corps frêle sans la moindre trace de muscle seulement les formes qui faisaient d'elle une jeune femme. Voici ce que reflétait le miroir de la salle à la commode. Eve se demandait souvent pourquoi elle ressemblait a ça puisque sa mère était brune aux yeux vert et son père, d'après les photos, était châtain aux yeux marrons. De plus que dans la famille de sa mère, ils sont bruns depuis des générations et qu'elle est la seule pur blonde dans toute la famille. On pouvait se demander si c'était bien eux ses parents mais elle n'avait aucun doute sur leur sincérité. De toute façon, ils n'étaient plus de ce monde pour lui confirmer sa pensée désormais. Et puis quel importance cela pouvait avoir maintenant qu'elle avait une famille qui n'est pas de son sang. Pourquoi changer ? Même si après environ deux mois de son arrivée, elle ne s'était toujours pas habituée. Elle avait passé les vacances dehors a découvrir son environnement et mieux connaitre Ayden. Elle avait eu aussi beaucoup de temps pour lire les écrits qu'elle avait découvert dans la commode. Ils étaient excellents et très bien écrit et l'imaginaire du récit en devenait presque réel tellement il était bien intégré. Elle s'était prise de passion pour la lecture de ces guerres ou de règnes fabuleux de rois et reines, elle passait parfois plusieurs minutes a observer le visage de la créature dessinée. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi cacher un bijou pareil. Imaginons que ce soit quelqu'un qui était cher a Ayden et qui est mort qui a écrit et dessiner ça, au lieu de le cacher pourquoi ne pas l'envoyer a un éditeur et faire partager ce trésor fabuleux ? Elle restait parfois si tard dans la pièce a lire qu'elle s'endormait...

Elle était... sur la Lune. Bon sans mais qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Elle marcha un peu pour voir s'il y avait quelqu'un: personne. Puis elle se rendit compte qu'elle était en chemise de nuit. Elle n'avait ni froid ni chaud et elle respirait très bien. Heureusement que ce n'était qu'un rêve sinon elle se serait inquiéter car les sensations du vent jouant avec ses cheveux, de son pied nu sur le sol poussiéreux de la lune, du contact léger de sa chemise de nuit étaient vraiment réels. Puis elle aperçut une crevasse et ce fut une illumination. C'est comme si elle habitait ici depuis toujours, qu'elle y allait tous les jours. Elle avança comme si elle connaissait ce chemin depuis toujours alors que c'était la première fois qu'elle venait ici, même en rêve. Elle flottait dans l'air et s’enfonçait plus profondément dans les entrailles de la planète. Puis elle arriva a une impasse. Elle ne s'inquiéta pas, elle savait exactement ce qu'elle devait faire. Elle mit sa main sur la paroi en face et sa main traversa la roche. Elle sourit et passa entièrement a travers. Lorsqu'elle entra, une vive lumière envahissait l'endroit. Sa provenance était une femme. Ses cheveux avaient la même couleur que le sol de la lune, ses yeux étaient blancs opaques et sa peau était clair comme une lune de printemps. C'était une grande femme malgré qu'elle et ses cheveux flottent lui donnant une bonne trentaine de centimètres de plus. Elle était vêtue d'une robe blanche et lumineuse qui lui tombait jusqu'à ses pieds nus. Elle tendit la main vers Eve. Celle-ci n'avait pas peur elle se sentait en confiance avec cet être. La femme ouvrit la bouche surement pour lui dire quelque chose, elle n'eut pas le temps de savoir quoi.

Elle se réveilla. Étrangement, elle était dans son lit. Elle n'était pas en train de lire les écrits de la commode ? Elle se leva, chancelante, la tête qui tournait. Elle monta au deuxième étage et entra dans la pièce vide. La commode était verrouillée et il n'y avait pas de feuilles par terre, tout avait été ranger. Elle s'habilla et descendit dans la salle a manger. Une odeur de croissant grillé envahissait la pièce. Comme a son habitude, Ayden s'était levé plus tôt qu'elle et avait préparé le petit-déjeuner. Il sortit de la cuisine avec une tasse de café et il alla s'asseoir en face d'elle. Il prit un croissant et mangea tranquillement. Comme Eve le fixait, il leva la tête et arrêta de manger
- Qu'est-ce qu'il y a ? Vu comment tu me regarde, on dirait que j'ai fait une grosse bêtise
- Non non, tu n'as rien fait.
Elle n'allait tout de même pas lui demander si c'était lui qui l'avait déposer dans sa chambre parce que sinon elle serait obligée d'avouer qu'elle avait lu les documents qui étaient mis sous clé. Elle aurait du mal a expliquer comment elle avait trouvé la clé.